Retour : une question de forme ? Dialogues
Dialogue 1 mail du 13 juin
Dialogue 2 mail du 14 juin
Dialogue 3 mail 16 juin
Joffrey
Alexis
Joffrey
Alexis
Joffrey
Alexis
Cher Alx,
Je ne me souviens plus vraiment de ce que j'ai dit l'autre soir, loin de l'immersion Borissienne j'ai plutôt ressenti la nécessité d'une purge pour chacun d'entre nous (joyeuse purge).
par défaut nous nous purgeons continuellement, ne trouves-tu pas ? Mais comment et pourquoi se trouver ensemble... il est clair que c'est pour moi à présent la plus grande question. Car si nous avons trouvé des moyens d'avancer ce projet de façon moins immersée (quoique l'immersion m'intéresserait, une fois débarrassée des embarrassantes questions comme celle du "montage ensemble et autres fatigues du projet"), nous n'avons somme toute pas trouvé de raison de constituer quoi que ce soit ensemble a posteriori de ces moments où nous aurons constitué quoi que ce soit seuls ou plus esseûlés. Tiens, d'ailleurs, la question de l'esseûlement me semble soudain avoir toujours été un peu tabou dans ce projet. Et puis, je me rends compte soudain que l'on n'a pas tenté de se dire ce que chacun pensait quels en étaient ses tabous...
Je ne cesse de buter sur ce problème sans prendre la peine d'y répondre.
Pourquoi n'est-ce plus possible de continuer ensemble. Qu'est-ce qui fait qu'un tournage nous rassemble, et qu'est-ce qui fait que le montage ou la post-prod impose une séparation ?
Tu sais, en parlant l'autre jour de s'apporter les uns les auters des pièces reparses, je ne m'imaginais franchement pas cette post-prod uniquement constituée de ces pièces. J'y veux dire que l'on échappera sûrement pas à "faire ensemble".
   
Est-ce dû à la nature des outils que l'on utilise ?
En effet, difficile d'être à 10 autour d'un ordi, mais cette réponse ne suffit pas.
On ne peut pas prétendre être artiste sans pouvoir tordre les outils, sans même fabriquer nos propres outils.
Donc à quel niveau ça bloque ?
Le mail, les ordis chez soi... eh oui, c'est possible.
 
Il y a sûrement plusieurs réponses, d'abord je crois que cet "être ensemble" était la condition mais aussi la matière de Retour. Il n'y avait pas de scénario mais une sorte de cinéma dépouillé à sa seule équipe de tournage et qui en fait son sujet.
mais en était-ce la manière de tournage ou d'objet ?
Qu'entends-tu par-là ?
Mais qu'est ce qui fait que ça prend, si ce n'est cet horizon (horizon d'indétermination comme disent les phénoménologues) qui suspendait chacun dans un imaginaire lointain. A Auxerre nous n'étions pas dans l'image, ni face à des images, mais de plain-pied dans l'imaginaire. Ce qui me fait supposer que nous n'étions donc pas si simplement ensemble, mais plutôt déjà séparés, chacun tissant des histoires, jouant des intrigues.
Je ne suis pas d'accord :
de plain pied oui, mais *de plus* tournant, mettant en scène, mettant de côté...
Tout à fait ! Et "ça prend" ensemble, et ça nous épate.
voilà.
il faut affiner tu as raison ce qu'il faut comprendre par imaginaire.
Là tu as raison, parce que finalement on ne peut être ensemble que séparés.
Par exemple (3,3,3) est un ensemble.
(9) qui pourtant totalise les 3 chiffres n'est pas un ensemble.
L'équation ; "il faut être séparé pour être ensemble", dissipe toute difficulté et tout malentendu notamment d'ordre affectif.
Regagnons donc nos terriers sans tabous après avoir cohabité cette maison. Sûrement y-a-t-il une différence entre collectivité et ensemble qui nous aiderait à comprendre que nous n'étions pas ensembles. Mais bien chacun, comme disait le vieux gillou, sur nos "lignes de fuite".

"être ensemble" relève peut-être d'un tour de force totalitaire que seule la télévision quand on regarde le 20h est susceptible de provoquer.
Si je retiens deux choses de notre conversation, c'est bien ce manque qu'il faut laisser ballant et cet ailleurs qu'il faut laisser courir.



provocateur.  
Néanmoins je ne n'esquiverai pas la question du montage qui semble la plaie chatouilleuse du projet Retour.
C'est étrange que tu écrives cela, il me semblait pourtant que nous avions effectué un parcours intéressant de mise à l'écart de cette question par l'entremise soit de figures (tissu, incises, pièces), soit de moyens (écriture, génériques, trailers...)
Je me souviens d'Élie qui en arrivant à Auxerre un peu après nous avait dit quelque chose comme ça : "si c'est du cinéma qu'on veut faire, hé bien faisons-en !"
Je m'imagine : "bon ben, si c'est du montage qu'il faut faire..."

Tissus, incises, pièces - écritures ,génériques, trailers (dis-donc on f'rait pas du cinéma par hasard)
Blague à part ces termes là, finalement assez précis dans ce qu'il disent mais assez flou dans ce qu'il faut en faire, me plaisent beaucoup.
Ces termes ont cette qualité de suggérer le travail, un certain travail manuel. Au boulot les intellos !



entre "on veut" et "il faut", je choisis "on veut". De toute façon "on veut" que Retour prenne une forme présentée. Soit fini, final, en soit fini ou bien se close etc.
   
Pour ma part la notion de montage me paraît suffisamment équivoque pour être ouverte et porteuse. En revanche j'ai eu l'impression que dans nos brides de conversations, dans les inquiétudes de Gwenola, dans cette idée d'é-toile se profilait un type d'assemblage qu'il faut opposer au montage. J'entends par montage une forme hétéro(gène-clite) le composite, l'attrait pour les corps étrangers, bref le montage est cubiste, alors que l'assemblage vise à l'unité ("la partie du tout et le tout de la partie"), c'est une forme qui communique. je n'ai rien contre la communication et le discours mais l'esthétique est faite pour ça, pour le bien commun pour la politique, que ceci reste donc en dehors de l'oeuvre.
Oulà. Premier paragraphe un peu costaud ;)
L'équivocité de la notion de montage, effectivement, ne doit pas nous faire oublier combien nous avons jusqu'à présent et à tort pris le montage dans un sens très restrictif. Mais, comme tu le rappelles, les "assemblages", et autres formes que nous avons évoquées ne doivent pour le moment pas nous amener sur un terrain de l'unité mais, il me semble, sur celui d'un "avancement du projet par les pièces". Nous nous reverrons alors avec dans les mains de quoi poursuivre. Cette proposition maintenant caduque d'étoile nous aura permis à tout le moins de saisir combien nous étions encore loin de pouvoir penser la "forme finale" de Retour, et encore... s'il en est ;)



C'est vrai pour le pré-texte de l'étoile. "Rendons grâce à l'étoile qui nous guide tra la la ... "
"Avancement du projet par les pièces", merci pour cette proposition qui rejoint aussi une certaine pratique de la 3D à la quelle je m'essaie en ce moment. Patches.
D'autant que ces pièces s'ouvres à l'hétérogène ou au singulier comme on parle d'une pièce de sculpture.
J'ajoute que nous avons réussi grâce à nos récents échanges et récente rencontre à éloigner le spectre du montage et celui du "monter ensemble". Pour revenir à cette post-prod chacun de son côté, je repense à l'imaginaire de chacun lors du tournage et imagine soudain les différentes pièces produites comme une chance donnée à ces imaginaires origines. Se croiseront-ils ? S'entrecroiseront-ils ?
Pas mal tout ça, c'est simple à dire mais au moins c'est dit.
C'est un peu ce que j'entendais par Cubiste. (bon je sais que t'aimes pas ce genre de référence ;) )
 
C'est pour cette raison que ton idée initiale de peerTopeer m'intéresse toujours car le sentiment d'avoir manqué quelque chose, de ne pas tenir l'ensemble du projet, me semble répondre à cette aspiration cubiste du projet Retour.


Ce manque, le sentiment de ce manque. Voilà qui permet de trouver au moins une raison-construction à l'assemblage tel que nous l'évoquons plus haut, en effet.
       
Mais ce manque, laissons-le vide, laissons les incises à l'air libre, en attente, rebouchons les tubes de colle... Retour doit-être un art du chutier. En cela le cadavre exquis est en effet un faux ami.
Je crains que tout à la fois tu ouvres le champ et tu te sentes obligé de le fermer : "Retour doit-être un art du chutier". Mais non, je ne pense pas que Retour doive être quoi que ce soit... Ton analyse préliminaire de l'assemblage-total a souligné en effet l'inadéquation de "l'empilement pour faire un tout" qui est, dans la règle et dans les faits le produit du cadavre exquis ( et puis j'en ai marre des cadavres, ça fait moderne et bdlairien (bdlr, un bon tag...)
Et si Retour ne doit pas être un art du chutier c'est peut-être que nous en sommes encore au stade du chutier.



Je me suis un peu précipité dans cette affaire de chutier.
     
L'angoisse de gwenola est la manifestation d'un conflit auquel Retour ne cédera peut-être pas, puisque le projet tel qu'il a été tourné appelle une forme de montage qui doit se soustraire astucieusement à l'assemblage.
Là, je te rejoins. Mais il ne faudrait pas retirer au montage cinématographique qu'il relève de bien d'autres choses que du seul assemblage en vue de constituer un tout. Un film est un manque, un montage est un manque, entre chaque image se glissent des horreurs, des erreurs, des travers, même si nombre de facteurs concourent à projeter le film monobande comme tout et unité, et, en premier lieu, son temps de dévoilement : "tout attaché" qui tire du côté de la marque du pouvoir le plus bêtement directoire, dirigisme de la pensée. Mais je pense que Retour ne cèdera pas. Il ne peut pas céder pour la bonne raison que nous pensons-sentons ce "ça", que nous sommes nombreux et échangeant, et enfin que nous ne sommes en rien pressés...
Plus l'on s'approche de la phase de diffusion d'une image, plus le pouvoir se fait ressentir. C'est un profond regret qui nous pose devant un paradoxe.
Une image ne devient image que lorsqu'elle est diffusée, pour être perçue comme telle. Mais c'est cette détermination de l'image en tant qu'image qui permet un déplacement de l'image vers l'expression d'un pouvoir sans lequel pourtant aucune image ne serait visible. Il n'y a pas de peinture sans cadre, même Pollock a son cadre, ce qui nous ferait croire qu'il n'y a pas de peinture en dehors de la peinture, ce que je crois difficilement..... mais bon
Derrida disait qu'il n'y a pas de hors texte. Dans ce cas qu'est-ce que c'est qu'une image si nous sommes pris dans le texte, prisonnier du langage ?









Une idée souterraine me semble courir dans ton discours, l'inadéquation, voire la contradiction du cadre à son image. Quid d'une image à son propre cadre ? Il se trouve que dans plusieurs de mes/nos travaux, cet aspect devient déterminant. LandMap, Julie, Lieux-Dits... Je crois que cette coïncidence, ou correspondance est non seulement possible mais joue de la cornemuse dans la tête audience.

A ce propos, je te colle ci-dessous un passage d'un mail que j'ai envoyé hier à Gwen au sujet de "l'image américaine" :
"Mais je pense surtout à une problématique du cadrage telle, que le moyen d'y parvenir apparaîtra implicitement lorsqu'il s'agira de mettre en image ce à quoi cette première aura mené. C'est un travail de fond. Ça semble tellement toucher à une émancipation d'un certain type d'imagerie héritée de l'hégémonie imagière américaine que ce serait peut-être bien venu d'y travailler... au sens hygiénique un peu. Pourquoi l'image méta-hollywoodienne (du cinéma au téléfilm américain) semble-t'elle si "appropriée" à ce modèle de civilisation ? Bien sûr, les modèles ont ceci de discursif qu'ils composent une image à parler, et le langage étant capable de dépasser ces limitations de l'image optique (j'aurais dû le préciser), ces limitations, on le sent bien non pas lieu dans les univers recomposés (3D). Peut-être pourrait-on imaginer qu'ici, la réalité se confond avec son modèle. C'est un défi."
Je pense soudain que la 3D aurait peut-être son mot à dire dans Retour...
Tout ça c'est une grosse question, je ne me sens pas la force de continuer de tels considérations.
Par contre tu sembles aborder un problème concret suite à tes projets ... Serais-tu plus en mesure d'en dire plus ! ça m'intéresse.



Bon ! début de phrase un peu complexe pour moi, mais j'ai le sentiment que le ciné hollywoodien utilisateur de 3D vise une certaine totalité forcément vouée à l'échec.
Il se pose donc une question d'approche : vaut-il mieux tendre vers le total en l'occurrence pour la 3d hollywoodienne, il s'agit de gagner le champ du réalisme, ou vaut-il mieux creuser des écarts, générer des manques, sachant que les 2 approches mènent au même résultat c'est-à-dire un manque inévitable, un inachevé dans la logique de représentation ?
 
Dans tout ça le Peer to peer présente quelque chose de séduisant, sur lequel j'insiste car cette idée mériterait un vrai travail. Si l'on abandonne sans résistance le devenir des images aux machines et aux explorations de milliards d'internautes que se passerait-il au regard de cette problématique.


Je ne comprends pas bien où se situe l'abandon ? ou bien en quoi en serait-ce un ? Ceci repose sur un fantasme (terme gwenolien) du flux, de la rivière souterraine dans laquelle on laisse tomber son mouchoir.
Certes cette idée du net est un peu naïve.
Assumons la nature cubiste du cinéma (quand on coupe pourquoi recoller, le monteur est toujours le meilleur ami du producteur dans les affaires qui tournent mal).
"le monteur est toujours le meilleur ami du producteur" est une phrase-idée magnifique. Alors là... merci ! On a besoin, je pense, de ce type de synthèses très courtes et efficaces pour aider à replacer-déplacer la position de l'auteur des images, du réalisateur, etc.



       
Si nous éprouvons maintenant des difficultés c'est que le tournage de Retour fait autorité sur la "post-prod", le tournage est la force qui a dissuadé Gwenola de poursuivre.



tout à fait        
Qu'y-a-t-il dans ce tournage qui nous retienne de cette manière ?
il y a, à mon sens, la coïncidence entre qui nous étions l'année dernière (producteurs d'images que nous voulions exparties et non réparties notamment, mais aussi producteurs d'images d'un tout, ça nous n'en doutions pas) et qui nous sommes. Avec, pour gwen et moi une année d'expériences fortes en direction de formes exploratives, ou s'auto-explorant (Mémoires flottantes), de la distance prise avec l'interactivité, du programme comme scénario, etc.



Bon Mémoires Flottantes je l'ai revu l'autre soir, j'aime beaucoup mais c'est un gros gâteau. je réserve ça pour plus tard, on ne pourra pas l'éviter de toute façon.
     
il y a là quelque chose que l'on veut faire passer, une certaine circulation des événements, des situations, des caractères et des sensibilités.
Oui. Et ne trouves-tu pas significatif, justement, que nous nous soyons trouvé à produire sans gêne ces images dont nous savions très bien, au moment de leur production, qu'elles n'étaient pas "raccord", au sens du montage linéaire, ou que cela allait être infernal à faire coller à ce modèle au moment du montage ? Je crois que dès alors nous étions dans quelque chose qui nous invite à présent à inventer ce que ce geste devient.



Oui très bien,
il faudrait-être amphibien, à l'aise dans les deux milieux
Reprenons nos droits poétiques, serions-nous sérieux ? "si on veut être sérieux , hé bien soyons-le !" tu parles, Charles

C'est un essai de liberté.

   
Peut-être est-ce un essai de liberté?
Je me méfie des grands mots dans des petites phrases ;) mais oui, pourquoi pas... en tout cas sûrement eu égard à une certaine logique contrainte des images



Tu as raison méfie-toi de ces petites phrases de campagne !      
Bon je poursuivrai plus tard.
Bises.
Aaaah non, s'il-te-plaît ;)
blagapar, oui, si nous pouvions poursuivre cela, se serait bien.
Il faudra que l'on réfléchisse à une façon de faire connaître ce travail aux autres, non ?
(aaah, la réponse par mail dans laquelle s'entrecroisent des discours, quelle évolution de l'échange, encore, quelle brisure dans la linéarité...)

bises mon chéri,
al'

Gros bisous
ma poule.

Sans prétention, enfin j'espère, mais nous serons jugés la dessus, je crois que notre échange pourrait intéresser les autres fous,
pourquoi ne pas les inviter en leur transférant tout ça ?
je te laisse décider.